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Militaire blessé ou malade en service : rappel des démarches et des droits
17 novembre 2023

Dans le prolongement de notre article du 10 novembre 2023 présentant un regard croisé La blessure psychique de guerre : reconnaissance et réparation, il est important de rappeler de manière synthétique, les démarches et les droits du militaire blessé ou malade en service.

1. Constitution du dossier relatif à la blessure ou la maladie contractée en service

On ne saurait que trop conseiller, au regard des conséquences pour l’avenir d’initier les démarches suivantes dans les suites immédiates d’une blessure ou d’une maladie.

1.1 Rendre compte à son supérieur hiérarchique

Pour chaque blessure ou maladie susceptible d’entrainer des séquelles, il y a lieu de rendre immédiatement compte à son supérieur hiérarchique afin d’obtenir la rédaction d’un rapport circonstancié résumant les circonstances des faits.

Cette pièce constituera la preuve administrative d’un événement survenu durant le temps du service et sera essentielle pour déterminer le lien d’imputabilité de la maladie ou de la blessure.

1.2 Constatation de l’état de santé et inscription au registre des constatations et des blessures

En parallèle, il est tout aussi important de faire constater son état de santé, à savoir la blessure ou la maladie, par un médecin de son antenne médicale de rattachement.

Ces pièces, qui peuvent prendre la forme de certificat médical, résultat d’examens, bulletins d’hospitalisation par exemple, sont tout aussi importantes car elles permettent d’établir la preuve médicale de la constatation de la blessure ou de la maladie mais aussi, en cas de parcours de soins, la prise en charge qui en a été faite.

Compte tenu de l’état militaire et lorsque les premiers soins sont dispensés dans le secteur civil, il convient de garder à l’esprit l’impérieuse nécessité de faire constater sa blessure ou sa maladie par le médecin militaire. Cette constatation permettra la mise à jour du dossier médical militaire en ce qu’il portera mention de cet événement.

Dans le prolongement, notons que le rapport circonstancié établi par le commandement est retranscrit sur le registre des constatations de la formation de rattachement du militaire.

Il est recommandé au militaire de solliciter un extrait de ce registre qui servira, là aussi, à l’établissement d’une filiation médicale avec le service, aux côtés du rapport circonstancié.

1.3 Mutuelle et Assurance

Enfin, il y a lieu de prévenir dès que possible les organismes de protection médico-sociale et de prévoyance (mutuelle et assurance).

A cet égard, soulignons que la Caisse nationale militaire de sécurité sociale dispose d’un « Département soins et suivi du blessé et du pensionné (DSBP) » qui est l’interlocuteur unique des militaires victimes d’un accident de service ou des bénéficiaires d’une pension militaire d’invalidité.

Ce département s’occupe exclusivement de la prise en charge des prestations de soins concernant les blessures ou infirmités pensionnées et avec, leur suivi.

Ainsi, il est toujours recommandé à chacun, en cas d’accident de service, d’ouvrir un dossier et de conserver à l’intérieur, copie de tous ces éléments et pièces afférentes, sans limite de temps.

Ces pièces peuvent s’avérer cruciales en cas de séquelles durables et de détermination des droits à réparation.

 

2.Le droit à réparation du militaire blessé ou malade en service

En France, les fonctionnaires bénéficient de nombreux droits sociaux parmi lesquels, le droit lorsqu’ils sont victimes d’un accident de travail ou atteint d’une maladie professionnelle d’obtenir la réparation des préjudices qu’ils ont subis. La collectivité publique même en l’absence de faute est, en effet, tenue de garantir son agent contre les risques qu’il peut courir dans l’exercice de ses fonctions. (CE, 21 juin 1895,n°82490).

Les militaires et les gendarmes bénéficient aussi de ces droits nonobstant leurs règles de sujétions particulières et les régimes juridiques qui leurs sont propres.

2.1 La blessure ou la maladie occasionne des séquelles durables : le droit à pension militaire d’invalidité

La pension militaire d’invalidité est régie par le Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG). La procédure contentieuse qui en découle est une procédure écrite et se déroule devant les juridictions administratives (tribunal administratif, cour administrative d’appel, Conseil d’État) après recours administratif préalable obligatoire devant la Commission des recours de l’invalidité.

En ce qui concerne les militaires et les personnes assimilées, le droit à pension est prévu à l’article L 111-1 du CPMIVG.

Plusieurs conditions tiennent ensuite à la nature de l’infirmité en cause mais aussi à l’imputabilité au service de celle-ci.

L’article L 121-1 de ce code précise les conditions d’attribution de la pension en énonçant :

« Ouvrent droit à pension :

1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d’événements de guerre ou d’accidents éprouvés par le fait ou à l’occasion du service ;

2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l’occasion du service ;

3° L’aggravation par le fait ou à l’occasion du service d’infirmités étrangères au service ;

4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d’accidents éprouvés entre le début et la fin d’une mission opérationnelle, y compris les opérations d’expertise ou d’essai, ou d’entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. »

L’article L 121-4 du CPMIVG prévoit que les pensions sont établies d’après le taux d’invalidité résultant de l’application des guides barèmes mentionnés à l’article L. 125-3 du code et qu’aucune pension ne peut être concédée en deça d’un taux d’invalidité de 10%.

Enfin, l’article L 121-5 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre expose les règles de concession de la pension militaire d’invalidité.

Il s’agit d’un droit imprescriptible c’est-à-dire, que la demande de pension militaire d’invalidité n’est enfermée dans aucun délai.

La pension militaire d’invalidité n’indemnise que la gêne fonctionnelle à savoir les séquelles physiologiques de l’infirmité, qu’il s’agisse d’une blessure (physique ou psychique) ou d’une maladie.

Elle répare ainsi l’incidence professionnelle, la perte de revenus causée par l’incapacité physique résultant de l’accident de service ayant occasionné une blessure ou de la maladie survenue par le fait ou à l’occasion du service.

Il existe trois typologies de demande : la demande initiale, la demande de révision pour aggravation et la demande de renouvellement de pension lorsque la pension n’a pas été octroyée de manière définitive.

Sauf en cas d’infirmité jugée incurable, la pension est toujours attribuée de manière temporaire.

Après instruction de la demande, le service des pensions et des risques professionnels (SPRP) notifie à l’intéressé sa décision.

En cas de rejet ou de désaccord sur les termes de la décision (ex : désaccord sur le taux concédé), il est possible de la contester dans un délai de six mois suivant sa réception en saisissant la Commission des recours de l’invalidité (CRI).

Rappelons que la saisine de la Commission des recours de l’invalidité constitue un préalable obligatoire à tout contentieux initié devant le tribunal administratif pour contester la décision du service des pensions et des risques professionnels.

 2.2 L’indemnisation complémentaire : jurisprudence « Brugnot » du Conseil d’Etat dite « Loi Brugnot »

Initialement, le juge administratif considérait que la forfaitisation liée à l’allocation d’invalidité faisait obstacle à l’indemnisation complémentaire par application des règles générales de la responsabilité.

Par la décision d’Assemblée Moya Caville en date du 4 juillet 2003 (n°211106), le Conseil d’Etat a abandonné, la jurisprudence sur le forfait de la pension qui assimilait en totalité la pension d’invalidité à la réparation du préjudice subi du fait de cette invalidité.

Depuis cette date, le fonctionnaire peut obtenir une indemnité complémentaire au titre de chefs de préjudice non couverts par la pension et ce, même en l’absence de faute de l’administration.

Cette jurisprudence a été étendue aux militaires par la célèbre décision Brugnot (CE, 1er juillet 2005, Mme Brugnot, n°258208)

Elle a ensuite été complétée par la décision Hamblin (CE 7 octobre 2013, Ministre de la défense c/ Hamblin, n°337851).

Désormais, le militaire blessé en service peut prétendre à la réparation d’un ensemble de préjudices, à savoir : les souffrances endurées, le préjudice esthétique (temporaire et définitif), le préjudice d’agrément, le préjudice sexuel, l’assistance par tierce personne, le préjudice d’établissement.

Contrairement à la pension militaire d’invalidité, la procédure « loi Brugnot » se prescrit par 4 années à compter du premier jour de l’année suivante celle au cours de laquelle est intervenue la consolidation de l’état de santé.

Pour mémoire, la consolidation s’entend du moment où l’état de la victime du dommage corporel n’est plus évolutif et qu’il est donc stabilisé. Il est alors possible de déterminer les préjudices corporels définitifs et les préjudices qui n’étaient que temporaires (avant consolidation donc). Seul un médecin est habilité à délivrer un certificat médical de consolidation.

Concrètement, toute demande d’indemnisation complémentaire adressée à l’administration donnera lieu à un rendez-vous d’expertise médicale au cours duquel, un médecin expert aura pour mission de déterminer et d’évaluer les préjudices.

Il est important de souligner que la réparation des préjudices corporels répond à un principe d’individualisation. Chaque préjudice est propre à celui qui l’endure et il est évalué selon les caractéristiques propres de la victime du dommage corporel. En ce sens, nous avons coutume de dire, pour illustration que « le doigt du pianiste vaut plus que le doigt du chanteur ». Il appartient ainsi au médecin expert de faire les justes constatations qui s’imposent au regard du dossier du militaire. En suivant, il revient à l’administration, de présenter une proposition indemnitaire en adéquation avec la réalité du dossier.

Notons, qu’il est également possible, en cas de faute, d’engager une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale des préjudices (CE, 28 juin 2019, Ministre des armées c/ M. Mahistre, n°422920).

L’année 2023 a été marquée par la présentation du Plan d’accompagnement des blessés et de leurs familles 2023-2027 portant plusieurs grandes avancées majeures comme celle de la simplification administrative pour faciliter l’accès au droit, pour les militaires blessés et leurs familles.

Depuis le 17 mai dernier, un nouvel espace numérique a été dédié aux militaires blessés d’hier et d’aujourd’hui, d’active, de réserve, aux familles des blessés et aux familles endeuillées à savoir le site internet « Maison numérique des militaires blessés et familles ». Cette plateforme doit permettre la centralisation de l’information et des procédures.

Il est également prévu au titre de la simplification administrative, une demande unique pour la pension militaire d’invalidité et l’indemnisation des préjudices relevant de la jurisprudence Brugnot.

2.3 Le Fonds de prévoyance

Selon les dispositions de l’article L. 4123-5 du code de la défense, tous les militaires, qu’ils soient de carrière, sous contrat ou réservistes « sont affiliés, pour la couverture de certains risques, à des fonds de prévoyance », à savoir le Fonds de prévoyance militaire et le Fonds de prévoyance de l’aéronautique.

Le Fonds de prévoyance militaire est destiné aux militaires qui ne sont pas affiliés à titre principal au Fonds de prévoyance de l’aéronautique. Le Fonds de prévoyance de l’aéronautique est destiné aux militaires qui perçoivent l’indemnité pour services aériens ou qui effectuent des services aériens, ainsi qu’à certains agents publics navigants cotisant au Fond.

Ces fonds constituent un dispositif de protection sociale et ils ont vocation à couvrir les militaires certains risques limitativement énumérés et en relation avec le service.

Sont éligibles à une allocation des Fonds de prévoyance et sous réserve de remplir les conditions prévues par le code de la défense : les militaires blessés en opération extérieure (OPEX), les militaires radiés des cadres pour infirmité et les ayants-cause des militaires décédés en service.

Il s’agit de protéger le militaire ou sa famille en cas de blessure survenue en opération extérieure, en cas de radiation des cadres pour infirmité, ou malheureusement, en cas de décès imputable au service ou en relation avec lui.

Les allocations versées par les Fonds de prévoyance prennent la forme d’un capital (et non d’une pension) et le montant alloué varie en fonction de critères spécifiques tels que la situation familiale ou encore les circonstances de l’accident de service.

Les Fonds de prévoyance peuvent, par ailleurs, verser des secours financiers afin de tenir compte de la situation particulière des bénéficiaires.

Ces aides particulières, dont le montant est, cette fois-ci, laissé à l’appréciation du directeur de l’Etablissement  public des Fonds de prévoyance, sont envisagées par les dispositions art. D. 4123.11 et R. 4123.28 du code de la défense et font l’objet d’une instruction particulière en liaison avec les assistants de service social de l’administration.

Au-delà des conditions prévues par le code de la défense, il convient d’avoir à l’esprit que les demandes d’allocations des Fonds de prévoyance sont enfermées dans un délai de 4 ans à compter du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Le fait constituant le point de départ du délai de prescription peut être, selon les situations : le décès, l’arrêté de mise à la retraite ou de réforme définitive, les conditions remplis du droit à pension ou encore, la consolidation médicalement attestée.

En d’autres termes, toute demande déposée après le 31 décembre de la 4ème année qui suit l’ouverture des droits sera jugée prescrite et ne pourra donner lieu au versement d’une allocation.

Pour vos démarches, il y a lieu là aussi, de vous diriger vers le portail numérique de la Maison des militaires blessés et de leur famille mis en place par le Ministère des Armées afin de constituer un dossier qui sera instruit et qui donnera lieu à une décision.

L’Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l’aéronautique (EPFP) est responsable avec l’assistance des services de la Caisse des dépôts et consignations de la gestion et du versement des allocations financières.

Toute décision de l’EPFP, qui serait défavorable peut être contestée devant la juridiction administrative et ce, dans un délai de deux mois suivant sa notification.

La demande d’allocation du Fonds de prévoyance est une demande administrative au même titre que la demande de PMI et la demande d’indemnisation complémentaire Brugnot de sorte qu’elles ne nécessitent pas l’assistance d’un avocat, sauf en cas de contentieux.

3. Bilan

En définitive, le militaire victime d’un accident de service ou d’une maladie survenue en service bénéficie d’un système d’indemnisation à 4 étages à savoir :

  1. les pertes de revenus et l’incidence professionnelle résultant de l’atteinte à l’intégrité physique peuvent être réparées, dans les conditions prévues par le Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre par la concession d’une pension militaire d’invalidité  ;
  2. les préjudices personnels extrapatrimoniaux précités peuvent aussi être réparés même en l’absence de faute de l’administration sur le fondement de jurisprudence Brugnot du Conseil d’Etat ;
  3. une allocation spéciale peut aussi être octroyée par le Fonds de prévoyance dans les conditions définies par le code de la défense ;
  4. le préjudice de carrière et plus largement tout autre préjudice non réparé par l’octroi de la pension militaire d’invalidité ou la jurisprudence Brugnot peuvent être indemnisés conformément au droit commun de la responsabilité c’est-à-dire, sous couvert de la démonstration d’une faute de l’administration à l’origine de la blessure ou de la maladie en cause.

A toutes fins, il est rappelé que le militaire qui ne remplit pas les conditions nécessaires à l’octroi d’une pension militaire d’invalidité (par exempe, le blessé  présentant un taux d’invalidité de 5%, soit un taux inférieur au minimum indemnisable de 10% pour une blessure), peut quand même initier une action indemnitaire pour obtenir la réparation de ses préjudices extrapatrimoniaux sur le terrain de la jurisprudence Brugnot. (CE, 14 novembre 2014, n°357999)

Pour toutes vos démarches administratives, il est recommandé de vous rendre sur la nouvelle plateforme Maison numérique des militaires blessés et des familles.

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Que vous soyez un militaire ou un militaire de la Gendarmerie nationale, la famille d’un blessé ou une famille endeuillée, le cabinet Fidelio Avocats vous conseille et vous assiste dans l’ensemble de vos démarches indemnitaires (pension militaire d’invalidité, commission des recours de l’invalidité (CRI) et juridictions administratives, jurisprudence « brugnot », contreproposition indemnitaire, référé expertise, fonds de prévoyance …). Avec une écoute bienveillante et une disponibilité importante, nous mettons tout en œuvre pour vous aider à traverser les épreuves de la vie, veiller sur vos droits et faire en sorte que la gestion de votre dossier administratif ne soit plus source de difficulté. Notre objectif : obtenir la réparation à laquelle vous avez droit.

Illustration : Le Vainqueur, Jean Ray

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