Le policier s’expose, comme tout autre fonctionnaire, à une sanction disciplinaire dès lors qu’il commet une fautedans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions[1]. Cette faute peut d’ailleurs revêtir une qualification pénale. Dans ce cas, le fonctionnaire de police peut faire l’objet en parallèle d’une procédure pénale ; les deux procédures étant indépendantes l’une de l’autre, et les sanctions cumulables. Une relaxe[2], totale ou partielle[3], devant les juridictions pénales, ne préserve pas le fonctionnaire de police d’une éventuelle procédure disciplinaire. Ainsi, la circonstance que le policier ait fait l’objet d’un rappel à la loi n’empêche en rien prononcé d’une sanction disciplinaire[4]. Les états de service du fonctionnaire de police ne sont pas de nature à l’exempter de sa responsabilité disciplinaire, puisqu’il peut, comme le rappelle fréquemment les juridictions administratives, être sanctionné par sa hiérarchie « en dépit de [ses] bonnes évaluations au titre des années ayant précédé [sa] sanction »[5]. L’annulation d’une sanction disciplinaire peut néanmoins être obtenue si les états de service postérieurs démontrent que le comportement du fonctionnaire de police s’est amélioré, alors qu’il « a reçu plusieurs lettres de félicitations au cours de sa carrière professionnelle, [et] n’a jamais fait auparavant l’objet [d’aucune] sanction disciplinaire »[6].
Chaque fonctionnaire de police est tenu de respecter la déontologie de sa profession[7]. En particulier, il « exécute loyalement et fidèlement les instructions et obéit de même aux ordres qu’il reçoit de l’autorité investie du pouvoir hiérarchique, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public »[8].
En cas de manquement, le pouvoir disciplinaire est exercé par l’autorité de nomination[9], c’est-à-dire le ministre de l’Intérieur, dans un délai maximal de trois ans à compter du jour où l’administration « a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits passibles de sanction »[10]. L’ouverture d’une enquête pénale a pour effet d’interrompre l’écoulement du délai de prescription de l’action disciplinaire[11].
1. La saisine du conseil de discipline
S’il commet une faute grave, « qu’il s’agisse d’un manquement à ses obligations professionnelles ou d’une infraction de droit commun », le fonctionnaire de police peut même être suspendu de ses fonctions le temps de l’instruction disciplinaire, qui ne peut en principe excéder une durée de quatre mois[12]. L’enquête administrative peut alors être confiée à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) qui a des attributions tant disciplinaire[13] que pénale[14].
Lorsque la sanction envisagée n’appartient pas au premier groupe de l’échelle des sanctions disciplinaires (avertissement, blâme ou exclusions temporaire de trois jours au plus), elle ne peut être prononcée sans que l’organisme représentatif du personnel n’ait été préalablement consulté[15]. Elle doit, en tout état de cause, être motivée, c’est-à-dire « comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision »[16].
La saisine du conseil de discipline par l’autorité disciplinaire sa matérialise par la remise d’un rapport « précisant les faits reprochés et les circonstances dans lesquelles ils ont été commis »[17]. Une fois le conseil de discipline valablement saisi, il est possible, pour le fonctionnaire de police, de faire comparaître des témoins[18].
2. Les droits et garanties du fonctionnaire de police devant le conseil de discipline
Le fonctionnaire de police qui est entendu dans le cadre d’un conseil de discipline le concernant a le droit d’obtenir la communication de son dossier individuel[19]. Ce droit se double du droit d’être informé de ce droit – justement – d’obtenir une telle communication[20].
Il peut également faire le choix d’être assisté d’un avocat[21]. Il est aussi possible au fonctionnaire de police de garder le silence devant le conseil de discipline, qui est d’ailleurs aujourd’hui tenu de lui notifier son droit de se taire[22].
Le juge administratif contrôle la matérialité des faits comme la proportionnalité de la sanction disciplinaire prononcée par l’autorité administrative[23]. L’annulation d’une sanction disciplinaire induit d’ailleurs l’obligation, pour l’administration, de réintégrer le fonctionnaire de police et de reconstituer, au moins fictivement, sa carrière[24].
3. Le contrôle exercé par le juge administratif sur les sanctions disciplinaires des fonctionnaires de police
L’étude de la jurisprudence récente rendue par les juridictions administratives montre que les sanctions disciplinaires prononcées contre les fonctionnaires de police le sont, le plus souvent, en répression de manquements aux devoirs d’intégrité, de dignité et d’exemplarité.
Les propos complaisants d’un gardien de la paix tenus pendant le service à l’égard de terroristes ont, par exemple, justifié son exclusion définitive du service[25]. L’exclusion temporaire a pu quant à elle être retenue contre un fonctionnaire de police qui avait établi irrégulièrement des procurations dans la perspective d’une élection municipale, « la circonstance que d’autres agents ayant commis des faits aussi graves n’auraient pas été sanctionnés avec la même sévérité [ayant d’ailleurs été jugée] sans incidence sur la légalité de la décision attaquée »[26].
Le détournement, par des fonctionnaires de police, de fichiers de police comportant des données sensibles à caractère personnel a pu conduire, tantôt à leur exclusion temporaire du service[27], tantôt à leur déplacement d’office[28]. Des faits moins graves, comme la destruction par un policier affecté à la brigade anticriminalité de quantités de drogue saisies sans en aviser ses supérieurs et rédiger les actes de procédures nécessaires[29], ont quant à eux justifié des mesures d’exclusion temporaire. Le fait, pour un fonctionnaire de police, d’avoir « pointé son arme de service en direction de la tempe [d’une] personne, alors qu’il ne se trouvait pas dans une situation de légitime défense de nature à justifier ce comportement » lui a également valu d’être exclu temporairement du service[30]. Un garde-frontière dans un aéroport a pu également être révoqué pour avoir quitté le service avec son arme[31]. Des contrôles d’identité réalisés au bénéfice des seuls intérêts personnels d’un fonctionnaire de police peuvent eux aussi conduire à des sanctions disciplinaires et, notamment, à des déplacements d’office[32].
Certains actes, pourtant accomplis hors du service, peuvent également conduire au prononcé de sanctions disciplinaires. Des vols à l’étalage ont ainsi entrainé la révocation d’un fonctionnaire de police[33]. Un policier ne doit jamais, en effet, se départir, même dans sa vie privée, de son exemplarité. Le fait, par exemple, « de se rendre, sous l’emprise de l’alcool, au domicile d’une femme qu’il connaissait et d’avoir eu des gestes d’une grande familiarité à son égard », de reprendre la gestion d’une boite de nuit alors qu’il est placé en position de disponibilité, ou encore de se livrer à la consommation et au commerce de produits stupéfiants, justifie ainsi qu’un fonctionnaire de police subisse un abaissement d’échelons[34], un placement en retraite d’office[35] ou une révocation[36].
Des manquements aux devoirs d’impartialité, de neutralité et de réserve donnent lieu, eux aussi, régulièrement à des sanctions disciplinaires. Un stagiaire gardien de la paix a ainsi vu son stage être interrompu pour avoir, notamment, ouvertement critiqué une communauté ethnique encadrée lors manifestation[37]. La révocation d’un commandant de police a pu également être prononcée par ses supérieurs hiérarchiques dans la mesure où il avait « profité à plusieurs reprises de ses fonctions pour séduire, ou tenter de séduire, des jeunes femmes, parfois mineures, pour en tirer un avantage personnel, et notamment des faveurs sexuelles »[38]. La même sanction a d’ailleurs été retenue en répression de propos et comportements antisémites « commis par un fonctionnaire expérimenté, exerçant une fonction d’encadrement,[et ayant] entraîné deux de ses subordonnés dans ses errements »[39].
Certains manques de respect des fonctionnaires de police à leur hiérarchie conduisent également au prononcé de sanctions disciplinaires. Menacer de mort un supérieur hiérarchique ou faire preuve d’un « comportement provocateur, irrespectueux et d’opposition récurrente aux instructions de sa hiérarchie » est ainsi passible, pour un fonctionnaire de police, d’exclusion temporaire du service[40] ou de déplacement d’office[41]. A également été jugé proportionnée par les juridictions administratives le déplacement d’office d’un fonctionnaire de police qui « ne supportait pas les remarques de sa hiérarchie, qu’il remettait en cause à chaque fois que les membres de cette hiérarchie exercent leurs prérogatives, était impulsif et manquait de maîtrise de lui-même »[42].
Pour peu qu’il soit légal, l’ordre reçu d’un supérieur doit être obéi avec loyauté, sous peine en effet de sanctions disciplinaires, et notamment d’avertissements[43]. Il a été jugé qu’un fonctionnaire de police, pour refuser l’accomplissement d’une mission pour raison de santé, n’est pas en revanche tenu « de rendre compte à sa hiérarchie des consultations médicales auxquelles il se soumet ou de son état de santé »[44].
Le cabinet d’avocats Fidelio Avocats, compétent en droit pénal et en droit administratif, vous accompagne en cas de procédure disciplinaire.
[1] Art. L. 530-1 du CGFP.
[2] CAA Bordeaux, 3e ch., 12 déc. 2023, 21BX01111.
[3] CAA Nancy, 4e ch., 7 nov. 2023, n°21NC02606, §9.
[4] CAA Paris, 9e ch., 5 juill. 2024, n°23PA02767.
[5] CAA Marseille, 8e ch., 27 sept. 2016, n°15MA04102, §12.
[6] CAA Nancy, 4e ch., 28 mai 2024, n°22NC03062, §5.
[7] Art. R. 434-27 du CSI.
[8] Art. R. 434-5, I., du CSI.
[9] Art. L. 532-1 du CGFP.
[10] Art. L. 532-2, al. 1er, du CGFP.
[11] Art. L. 532-2, al. 2, du CGFP.
[12] Art. L. 531-1 du CGFP.
[13] Art. 221-1, al. 2, de l’arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d’emploi de la police nationale.
[14] Art. 221-2, de l’arrêté du 6 juin 2006.
[15] Art. L. 532-5 du CGFP.
[16] Art. L. 211-5 du CRPA.
[17] Art. L. 532-9 du CGFP.
[18] Art. L. 532-10 du CGFP.
[19] Art. L. 532-4, al. 1er, du CGFP.
[20] Art. L. 532-4, al. 2, du CGFP.
[21] Art. L. 532-4 du CGFP.
[22] Conseil constitutionnel, QPC du 4 octobre 2024, n°2024-1105, §19.
[23] CE, Ass., 2013, Dahan.
[24] CE, 1925, Rodière.
[25] CE, 5e et 6e ch. réun., 6 janv. 2025, n°471653.
[26] CAA Paris, 9e ch., 15 déc. 2023, n°23PA00309, §18.
[27] CAA Versailles, 1re ch., 16 juin 2020, n°17VE03660.
[28] CAA Nantes, 5e ch., 27 févr. 2017, n°15NT03867.
[29] CAA Bordeaux, 3e ch., 25 oct. 2018, n°16BX02383.
[30] CAA Paris, 6e ch., 30 déc. 2016, n°15PA04430.
[31] CAA Versailles, 5e ch., 15 nov. 2018, n°17VE03412.
[32] CE, 5e ch., 7 janv. 2016, n°378321.
[33] CAA Paris, 6e ch., 14 mars 2017, n°16PA00359, §3.
[34] CAA Lyon, 3e ch., 10 janv. 2017, n°14LY03927.
[35] CAA Bordeaux, 2e ch., 15 févr. 2018, n°16BX02003.
[36] CAA Lyon, 7e ch., 8 déc. 2022, 21LY04215, §12.
[37] CAA Paris, 9e ch., 20 déc. 2024, n°23PA02787.
[38] CAA Nancy, 4e ch., 7 nov. 2023, n°21NC02606, §9.
[39] CAA Douai, 3e ch., 04 avril 2019, n°17DA00703, §24.
[40] CAA Nantes, 6e ch., 1er déc. 2020, n°19NT00720, §16.
[41] CAA Bordeaux, 3e ch., 14 déc. 2017, n°15BX03661.
[42] CAA Nantes, 4e ch., 14 juin 2016, n°14NT03330.
[43] CAA Paris, 5e ch., 12 mai 2022, n°20PA04078.
[44] CAA Versailles, 2e ch., 29 juin 2021, n°19VE03455, §4.