La protection fonctionnelle est un principe général du droit qui garantit une protection particulière aux agents publics en raison de leur qualité de fonctionnaire. Il s’agit d’un droit en contrepartie de l’engagement de l’agent au service de l’Etat. La protection fonctionnelle a vocation à être accordée à tous les fonctionnaires victimes d’infractions volontaires liées au service (par ex. menaces de mort envers un enseignant, violences envers un professionnel de la santé etc..) ou lorsqu’ils sont mis en cause dans le cadre de poursuites pénales en lien avec leurs fonctions et, à condition que les faits reprochés ne revêtent pas le caractère d’une faute personnelle détachable du service.
Le Conseil constitutionnel a récemment étendu le domaine de la protection fonctionnelle accordée aux fonctionnaires mis en cause dans une procédure pénale[1]. Désormais, un fonctionnaire entendu sous le régime de l’audition libre peut prétendre à la protection fonctionnelle et obtenir la prise en charge, par l’Etat, des frais engagés pour sa défense. Conformément à une jurisprudence bien établie, ce n’est que lorsque les honoraires de l’avocat sont manifestement excessifs qu’une prise en charge partielle peut être effectuée.
1. La protection fonctionnelle pour les fonctionnaires poursuivis, placés en garde-à-vue, entendus en qualité de témoin assisté ou faisant l’objet d’une mesure de composition pénale
L’article L. 134-4 du code général de la fonction publique prévoyait déjà la possibilité pour les fonctionnaires de bénéficier, à certains stades de la procédure pénale, de la protection fonctionnelle :
« Lorsque l’agent public fait l’objet de poursuites pénales à raison de faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions, la collectivité publique doit lui accorder sa protection. L’agent public entendu en qualité de témoin assisté pour de tels faits bénéficie de cette protection. La collectivité publique est également tenue de protéger l’agent public qui, à raison de tels faits, est placé en garde à vue ou se voit proposer une mesure de composition pénale ».
A l’aune de ces dispositions, la protection fonctionnelle était expressément envisagée pour les fonctionnaires, lorsqu’ils sont placés en garde-à-vue par un officier de police judiciaire[2], ou mis en examen par un juge d’instruction[3]. Mais, c’est le cas, également, lorsque les fonctionnaires sont entendus en qualité de « témoin assisté ». C’est-à-dire lorsqu’ils ne sont pas mis en examen par le juge d’instruction qui les vise pourtant nommément dans son réquisitoire[4] ou, le cas échéant, lorsqu’ils sont visés par une plainte ou mis en cause par la victime ou le témoin d’une infraction[5]. Les fonctionnaires bénéficient aussi de la protection fonctionnelle lorsque le procureur de la République met en oeuvre une mesure de composition pénale[6], ou une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) – procédure française du « plaider-coupable »[7].
Les fonctionnaires peuvent, a fortiori, bénéficier de la protection fonctionnelle lorsqu’ils sont renvoyés devant les juridictions pénales pour y être jugés, que l’acte de poursuite soit une convocation par officier de policier judiciaire, une convocation par procès-verbal remis par le procureur de la République[8], ou même une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel rendue par le juge d’instruction[9].
Ils bénéficient également de la protection fonctionnelles lorsqu’ils font l’objet de mesures de sûreté : qu’ils soient placés en détention provisoire[10], ou même sous contrôle judiciaire[11].
La décision accordant le bénéfice de la protection fonctionnelle à un fonctionnaire étant créatrice de droits, il a été jugé par le Conseil d’État, en application de sa jurisprudence Ternon[12], qu’elle ne peut être retirée par l’administration qui en est à l’origine que dans un délai de quatre mois, et à la condition qu’elle soit entachée d’illégalité[13].
2. La protection fonctionnelle pour les fonctionnaires entendus sous le régime de l’audition libre
C’est en cet état du droit, que les sages de la rue de Montpensier ont été amenés à se prononcer sur la conformité à la Constitution des dispositions de l’article L.134-4 du code général de la fonction publique .
Dans cette affaire, le requérant estimait que, « en excluant du bénéfice de la protection fonctionnelle les agents publics qui sont entendus sous le régime de l’audition libre, ces dispositions institueraient une différence de traitement injustifiée entre ces agents et ceux entendus en qualité de témoin assisté, placés en garde à vue ou qui se voient proposer une mesure de composition pénale, qui bénéficient d’une telle protection. Elles méconnaîtraient ainsi le principe d’égalité devant la loi. »
Dans sa décision du 4 juillet 2024, le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions attaquées non conformes à la Constitution et, il a étendu le bénéfice de la protection fonctionnelle au cas de fonctionnaires entendus sous le régime de l’audition libre[14]. Si l’infraction pour laquelle le fonctionnaire est auditionné par les services de police ou de gendarmerie est un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement, il a le droit, en effet, et ce même lorsqu’il est convoqué pour une confrontation, d’être assisté d’un avocat[15].
Cette décision est à effet immédiat. Elle fonde donc transitoirement, et jusqu’à la modification de la loi par le législateur[16], le droit pour les fonctionnaires au bénéfice de la protection fonctionnelle lorsqu’ils sont entendus sous le régime de l’audition libre[17].
Ainsi, « la collectivité publique est tenue [dès aujourd’hui] d’accorder sa protection à l’agent public entendu sous le régime de l’audition libre à raison de faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions[18] ».
3. La nécessité de protéger les fonctionnaires à tous les stades de la procédure pénale
Si certains élus peuvent également bénéficier de la protection fonctionnelle, c’est toutefois dans des conditions plus restrictives.
Dans deux décisions rendues en octobre 2024, le Conseil constitutionnel a refusé, en effet, d’unifier les règles d’octroi de la protection fonctionnelle des élus sur celles des fonctionnaires[19]. Ainsi, les maires et leurs conseillers municipaux, de même que les présidents des conseils régionaux et leurs conseillers, bénéficient de la protection fonctionnelle uniquement lorsqu’ils « font l’objet de poursuites pénales[20]» excluant les actes des enquêtes .
Les règles d’octroi de la protection fonctionnelle aux fonctionnaires, telles qu’elles ont été assouplies par le Conseil constitutionnel, constituent donc un régime distinct ne bénéficiant pas, à l’aune des textes, aux élus. Notons que les fonctionnaires de la police nationale, les gendarmes, les adjoints de sécurité, les agents de surveillance de Paris, ainsi que certains agents de la ville de Paris bénéficient déjà de la protection fonctionnelle à tous les stades de la procédure pénale – en ce compris, donc, lorsqu’ils sont entendus sous le régime de l’audition libre. Mais c’est le cas, également, des sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires, volontaires civils de la sécurité civile, médecins civils de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris et du bataillon des marins-pompiers de Marseille, ainsi que des agents de police municipale et gardes champêtres, ou encore des militaires[21]. Seuls les élus font donc aujourd’hui l’objet d’un régime distinct.
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Pour aller plus loin : » La protection fonctionnelle des militaires et des gendarmes » Article de Me Hannelore Mougin publié sur Village de la justice.
Crédit illustration : Fidelio Avocats – collection personnelle