Le  vendredi 20 octobre 2023, le cabinet Fidelio Avocats, expertisé en droit pénal, était au Lycée agricole de Fontaines, en Bourgogne, à l’occasion d’une journée dédiée au harcèlement à l’école.

En complément d’une conférence animée par le Réseau Canopé, opérateur du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse ayant pour mission la formation et le développement professionnel des enseignants et de différents temps de rencontres pluridisciplinaires, Me Hannelore Mougin a animé deux ateliers juridiques à destination des personnels de l’établissement.

 A cette occasion, elle est revenue sur le cadre juridique de cette infraction, les risques encourus, les signaux pouvant laisser penser à une situation de harcèlement à l’école et les réflexes à adopter pour agir au mieux dans la préservation des intérêts de celui qui en serait victime.

La lutte contre le harcèlement scolaire a été annoncée comme l’une des priorités du ministère de l’Education nationale et de la Jeunesse. Retour sur cette infraction qui porte atteinte aux enfants et aux adolescents

Selon le rapport sénatorial de la mission d’information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement de 2021, entre 800 000 et 1 million d’enfants sont victimes de harcèlement scolaire chaque année, en France. Ce chiffre représente 6 à 10% des élèves.

 Ce phénomène s’est accentué avec le développement des réseau sociaux qui a participé à la création d’un nouveau terrain de conflictualité. Le harcèlement scolaire ne se limite plus à la cour de récréation, il poursuit l’enfant, l’adolescent qui en est victime jusqu’à sa maison et sa chambre. Selon le psychiatre-psychanalyste Philippe Lacade, le harcèlement « passe par les réseaux sociaux vient faire retour dans le réel de la chambre de l’enfant, de l’adolescent par le biais de la fenêtre virtuelle, les jeunes errent en surfant sur la surface de la vague du net et cette errance peut conduire certains au pire ».

Définition du harcèlement à l’école

L’évolution de la société et plusieurs affaires médiatisées ont alerté l’opinion publique et le législateur sur la nécessité de se doter d’un arsenal législatif permettant de lutter efficacement contre le harcèlement à l’école mais aussi pour se prémunir d’un tel phénomène qui fait des ravages chaque année et laisse de nombreuses traces pour les victimes et leurs familles.

C’est ainsi que la loi n°2019-791 du 26 juillet 2019 pour la confiance a créé l’article L 511_3_1 du code de l’Éducation qui consacrait le droit pour chaque élève à une scolarité sans harcèlement.

Trois années plus tard, la loi n°2022-299 du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire a inscrit dans le code pénal un nouvel article 222-33-2-3 créant l’infraction de harcèlement scolaire.

Le harcèlement scolaire est donc un délit autonome qui se prescrit, comme tous les délits, par six années.

L’acte incriminé

Il est essentiel de faire la différence entre le harcèlement et une situation de conflit, de tensions pouvant survenir entre élèves. L’un caractérise un délit pénalement répréhensible, l’autre une situation de mésentente et relève du conflit « privé ».

En réalité, comme pour l’infraction de harcèlement moral, le champ sémantique du texte incriminateur est bien pauvre compte tenu de la réalité et de la diversité des situations pouvant se présenter.

Quelques précisions cependant :

A la question « qui est harceleur ?» le harcèlement scolaire peut être caractérisé lorsqu’un élève ou plusieurs élèves fait ou font subir à un autre élève, de manière répétée, des propos ou des comportements agressifs qui lui portent atteinte (atteinte dans conditions d’apprentissage/dignité) ;

La responsabilité du jeune qui serait auteur d’une telle entreprise délictuelle peut être appréhendée sous l’angle de l’auteur principal, du co-auteur ou complice c’est à dire, celui qui apporte son concours par l’aide, l’assistance ou la facilitation) ;

Au-delà de cet aspect, de quoi parle-t-on concrètement ? Ainsi, à la question « quoi ? », il convient de souligner que, les  textes légaux posent le schéma d’une infraction qui nécessite des comportements répétés et ce, peu importe la nature des faits dès lors qu’ils sont répétés dans le temps c’est-à-dire, la systématisation d’attitudes, de paroles, de comportements qui pris séparément peuvent paraître anodins mais qui, sous l’effet de la réitération deviennent punissables.

La répétition peut s’étendre sur une période courte ou plusieurs années.

Les faits matériels caractérisant l’infraction de harcèlement scolaire peuvent se répertorier en plusieurs groupes à savoir :

  • les violences verbales (insultes, moqueries, brimades, rumeurs, instrumentalisation du rire « LOL » pour se déresponsabiliser et minimiser la gravité d’une attaque …) ;
  • les violences physiques (coups, bousculades…) ;
  • les violences psychologiques (humiliations, mises à l’écart…) ;
  • les violences hybrides (les menaces, le racket, les violences sur le net …) ;

Il s’agit donc de comportements intentionnellement agressifs s’inscrivant dans un schéma de relation de domination psychologique dans la mesure où celui qui en est victime n’est pas en mesure de sortir du rapport de force instauré à son encontre et de se défendre.

Malheureusement, les victimes subissent plusieurs formes de harcèlement et la détresse psychologique qui en découle est d’autant plus grande. La violence instiguée est intrusive, sort des murs de l’établissement scolaire, poursuivant l’enfant ou l’adolescent jusqu’au domicile, qui doit pourtant être une valeur refuge.

Les conséquences sont également une composante de l’infraction.

 Pour être juridiquement caractérisé, l’acte de harcèlement scolaire doit produire les conséquences visées par la loi à savoir : la dégradation des conditions de vie et d’apprentissage de l’enfant ou de l’adolescent qui en est victime.

Il faut donc que l’acte de harcèlement ait eu pour effet de générer une évolution péjorative de la condition de l’enfant ou de l’adolescent qui en est victime. L’on retrouve ici les signes suivants : un repli sur soi (isolement/abandon), un état dépressif, une baisse significative des résultats scolaires, une « phobie scolaire », une tristesse, un absentéisme, des passages récurrents à l’infirmerie pour un mal être…

Les sanctions du harcèlement à l’école

La responsabilité de l’auteur, du co-auteur et du complice peut être engagée disciplinairement mais aussi pénalement.

La Loi opère une distinction en fonction de l’âge de l’auteur. Lorsque l’auteur des faits est majeur, le harcèlement scolaire est sanctionné par une peine pouvant aller jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende quand il a causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’a entrainé aucune incapacité. 

Les peines sont portées à 5 ans d’emprisonnement et à 75.000 euros d’amende lorsque les faits ont causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours.

Les peines sont enfin portées à 10 ans d’emprisonnement et à 150.000 euros d’amende lorsque les faits ont conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider.

 Lorsque l’auteur des faits est mineur, il existe une distinction selon que l’auteur est âgé de moins de 13 ans (présumé incapable de discernement) ou d’au moins 13 ans (présumé capable de discernement.). Ainsi, l’auteur qui serait âgé entre 13 et 18 ans encourt une peine de 18 mois d’emprisonnement et 7.500 euros d’amende.

La peine encourue est portée à 5 ans d’emprisonnement et 7.500 euros d’amende si la victime s’est suicidée ou a tenté de se suicider.

En parallèle, l’élève qui s’adonnerait à une entreprise de harcèlement à l’école peut aussi se voir sanctionner disciplinairement. 

Il s’agit ici de toutes les sanctions disciplinaires pouvant être infligées à un élève et allant jusqu’à l’exclusion à titre définitif de son établissement scolaire.

Sur ce point en particulier, le décret n°2023-782 du 16 août 2023 relatif au respect des principes de la République et à la protection des élèves dans les établissements scolaires relevant du ministre chargé de l’éducation nationale a mis en place un durcissement des sanctions pour une meilleure prise en charge des situations de harcèlement les plus graves.

Il est désormais possible, dans le premier degré, de changer d’école un enfant dont le comportement intentionnel et répété fait peser un risque caractérisé sur la sécurité ou la santé d’un autre élève de l’école.

Dans le second degré, la procédure disciplinaire est aujourd’hui étendue aux cas dans lesquels des élèves commettent des actes de harcèlement à l’encontre d’élèves situés dans un autre établissement.

Le ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse a souhaité, par ces dernières avancées réglementaires, apporter une réponse ferme à toute forme de comportement attentatoire à l’intégrité des enfants et des adolescents victimes.

Il appartient, par ailleurs, à la direction de l’établissement scolaire de traiter les situations dont elle aurait connaissance.

Ainsi, pour les situations de danger grave ou imminent pour les victimes, le chef d’établissement doit adresser un signalement article 40 au procureur de la République pour expliquer les raisons qui laissent penser à la commission d’une infraction de type « harcèlement scolaire » au sein de l’établissement.

Rappelons, pour finir que la journée nationale de lutte contre le harcèlement est organisée chaque année le 9 novembre. Elle est l’occasion de sensibiliser les élèves et de promouvoir leurs droits pour une scolarité sans violence.

Nous profitons de cet article pour relayer le numéro 3018, un numéro pour l’écoute des victimes et des familles : numéro gratuit, anonyme et confidentiel 7j/7 de 09h00 à 23h00.

 

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